On a vu des dragons !

 

Mais… des FOURS dragons !

Quelle joie pour une prétendante apprentie céramiste ! Vous rendez-vous compte ? Tomber sur des authentiques fours dragons, comme ça, en plein Yunnan, sans prévenir !

Ah ! C’est tellement génial qu’il faut absolument que je vous explique de quoi il s’agit et comment tout cela nous est arrivé !

Pour ne pas changer, nous roulions tranquillement sur les routes de Chine quand, sur notre droite, j’aperçois des tas de poteries entreposées. Plus loin, une structure bizarre en briques grimpe à flanc de montagne, puis une autre… Je gardai dans un coin de ma tête une petite lueur d’espoir de voir des fours dragons : j’avais entendu parler de cette technique ancestrale lors de mes recherches sur la céramique, mais j’avoue que le fait de tomber sur ce mini centre artisanal au milieu de rien fait plus que combler mes espérances !

La production exposée, prête à être vendues !

En me rendant compte de ce que nous voyons, je me remémore les articles à ce sujet lus auparavant. Ce qui m’avait alors frappée, c’est l’époque à laquelle cette technique a été mise au point, du genre « Ces fours sont en fonction depuis l’époque des Royaumes combattants (475-221 avant notre ère) et ont perduré jusqu’à nos jours » .
Chez nous, il a fallut attendre la fin du XIX siècle (!) et la mise au point par Ambroise Milet des fours à céramique de Sèvres pour envisager la production de pièces en grande quantité avec une cuisson homogène !

Ce four là est en fin de cuisson, il n’est pas encore totalement ouvert.

Cet aspect historique rend notre « rencontre » encore plus surnaturelle, mais rentrons maintenant dans le vif du sujet !

Qu’est-ce qu’un four dragon ?

Il s’agit d’un four à bois, utilisé pour la cuisson de la céramique. Il a été mis au point en Chine, puis s’est développé également au Japon (comme beaucoup de choses inventées par les chinois puis reprises et améliorées par les japonais, mais c’est une autre affaire…). Construit à flanc de montagne, il est constitué d’une longue chambre de cuisson divisée en sous sections, et est terminé par une cheminée : cela lui donne sans équivoque la forme d’un dragon, d’où son appellation !

La topographie de la région permet un dénivelé naturel important idéal pour ces fours

Petite leçon de céramique de base

Pour commencer, et sur la base de mes maigres connaissances complétées des ressources internet, je vais essayer de vous donner quelques pistes sur la céramique en général. C’est basique et simplifié, mais ça aidera tout de même à y voir plus clair !

L’étape du tournage, là où l’artisan maîtrise encore sa création !

Les éléments qui font la qualité d’une production de céramique sont tout d’abord le tour de main de l’artisan (on dit qu’il faut neuf ans à un céramiste pour vraiment maîtriser le tournage !), la qualité et la maîtrise des matériaux (terre et émaux), ainsi que le dessin technique des pièces.
Ensuite, une fois les pièces façonnées, tout le processus de cuisson (le bassinage pour évacuer l’eau (100°C), le petit feu (entre 100°C et 1000°C) puis le grand feu (Plus de 1000°C), avant la descente à température ambiante) dans le four intervient, et est tout aussi important : avec une mauvaise gestion (variations trop rapides ou mauvais temps de cuisson), toute la production peut-être détruite !

La cuisson vient de terminer, le four n’est pas totalement ouvert, il faut que la température redescende très doucement pour ne pas endommager les pièces.

La cuisson est donc une étape fondamentale dans le procédé de céramique. Il a existé une grande variété de fours à bois, avec des techniques différentes selon les régions et les périodes. Tous doivent cependant répondre à ces impératifs :

  • atteindre des températures élevées

– entre 1000°C et 1300°C pour les faïences, le grès et la vitrification de la majorité des émaux
– plus de 1350°C pour la porcelaine et certains émaux

  • maîtriser les températures
  •  maîtriser la composition de l’atmosphère (oxydante ou réductrice)

Et ce, en essayant d’optimiser d’autres paramètres :

  • avoir une capacité importante pour répondre à la demande
  • optimiser la cuisson pour économiser le combustible
  • être assez facile à construire et durables

    Voilà une belle série de pièces émaillées

Les fours dragon répondent-ils à ces impératifs ?

S’ils ont traversé les âges jusqu’à aujourd’hui, la réponse est oui !

  • Leur fabrication est simple : le four tout en longueur est divisé en petites sections faciles à construire, avec des matériaux basiques : briques, avec un sol en sable.

    A l’intérieur de la chambre de cuisson, le sol est recouvert de sable ou de quartz pilé. Avec les casettes que nous voyons aussi, cela permet de protéger les poteries des éventuelles projections ou cendres lors de la cuisson

  • Leur capacité peut être très importante : les chambres se succèdent sur des longueurs allant de 30 à 100 mètres. Ainsi, en une cuisson, il est possible de sortir plusieurs centaines de pièces ! (pour répondre à l’engouement pour les fameux céladons par exemple)
  • La gestion de la température est possible, sans être très précise : grâce à des foyers à chaque chambre, il est possible de monter à haute température (jusqu’à 1200°C), tout en optimisant la consommation de combustible (meilleure répartition). De plus, grâce aux dénivelés de 8 à 20% sur lesquels les fours sont construits, un tirage oblique en résulte, ce qui est idéal pour une bonne circulation de l’air (la chaleur monte) et donc une bonne gestion des températures dans les chambres (point crucial dans chacune des différentes phases !)

    A chaque fenêtre, il y a un foyer qui est facilement alimenté

Pas mal pour des antiquités !

En France, comme je le disais plus haut, il a fallu attendre le XIXe siècle pour égaler (et surpasser) ce niveau de performance. Les fours de Sèvres ont utilisé une autre technique, qui a amélioré la gestion de certains paramètres, mais qui nécessitaient un investissement autrement plus important.

Aujourd’hui, les céramiques sont produites dans des fours qui peuvent être industriels ou artisanaux et il existe une grande variété de procédés !

Cet artisanat d’art est fascinant. L’artisan doit maîtriser à la fois un geste pour le tournage et la manipulation de la terre crue, les caractéristiques physiques et chimiques des matériaux utilisés pour obtenir les émaux souhaités et le dessin pour concevoir des pièces solides, innovantes et esthétiques.
Si vous en avez l’occasion, allez donc jeter un œil à la Cité de la Céramique de Sèvres qui, en plus d’être un endroit magnifique, constitue une mine d’informations sur ce métier d’art tout en ayant une production contemporaine incroyable.

[youtube http://youtu.be/uEIh2H3Irts]

Voilà les biscuits : ces poteries ont déjà été cuites une fois et nécessitent une seconde cuisson pour la cuisson de l’émail aussi appelé glaçure.