Photographie en voyage : est-il raisonnable de transporter un reflex numérique ?

Après presque un an de voyage, 17 pays traversés, les clichés se sont accumulés. Un peu plus de 7000 photos depuis le début !J’avais fait le choix de partir avec mon reflex et ses objectifs : le ferai-je à nouveau si c’était à refaire ?Transporter un appareil si lourd, volumineux et fragile nécessite des concessions : 2,5kg et un sac spécial photo, c’est autre chose qu’une petite housse de compact ! Ceux-ci sont de plus extrêmement performants à l’heure actuelle, n’ayant rien à envier à leurs grands frères. Rien ?Il y a tout de même des différences, à vous de juger si elles en valent la peine !

Visée optique

Outre le confort que cela procure, la visée optique à l’avantage de ne pas consommer de batterie comme un compact. Visez le temps que vous souhaitez, l’appareil photo ne « s’allumera » que pour prendre effectivement la photo : il est possible ainsi de prendre jusqu’à 1000 photos sans recharger la batterie.

Performances en basse lumière

A la lumière de deux bougies seulement

Ou d’une seule lampe à pétrole
Ou simplement de vitraux crasseux. Le flash aurait été catastrophique pour retranscrire l’ambiance !
Les réflexes numériques standards possèdent un capteur plus grand que les compacts. La surface étant plus importante, ils reçoivent donc plus de lumière que les compacts, ce qui facilite la prise de vue.
De plus, l’électronique performante des réflexes permettent de beaucoup augmenter la sensibilité du capteur (ISO, avant ASA pour les pellicules) sans trop de perte de qualité : il est donc plus facile de prendre des photos non floues en basse lumière.
Les pellicules, avec une surface encore plus importante que les capteurs de réflexes numériques standards sont encore plus avantagées, mais il n’est pas possible de changer la sensibilité de la pellicule à la volée. Il faut prévoir une pellicule dite « rapide » pour les environnements sombres, et s’y tenir pour les 24 ou 36 photos.
De plus, les réflexes numériques sont beaucoup plus « tolérants » en basse lumière que les pellicules. Si la photo est sous exposée, il reste très facile de « récupérer » les zones d’ombres en post-traitement qu’avec une pellicule.
[Le contraire est vrai pour une photo surexposée : les réflexes numériques sont très mauvais (image « crâmée, c’est à dire que certaines parties de la photo sont juste blanches, sans aucun détail), tandis que les pellicules sont très tolérantes.]
Les objectifs dits « lumineux » ou « rapides » (c’est à dire avec un diaphragme s’ouvrant très grand, laissant passer beaucoup de lumière) entrent aussi en jeu pour les performances en basse lumière, comme nus le verrons plus bas.

Contrôle de la profondeur de champs

Qu’est-ce que c’est que ce terme barbare ?
La profondeur de champs est en quelque sorte « l’effet cinéma », lorsque tous les plans de la photo ne sont pas nettes. Quelques exemples :

La raison de ce phénomène est purement physique, ou plutôt optique, mais c’est utilisé dans un but plus « artistique » : cela permet de diriger le regard vers l’élément désiré, sans couper totalement le sujet de son environnement. La différence de netteté fait « ressortir » le sujet de la photo. Utilisé régulièrement pour les photos de portrait, il est cependant possible de le faire pour tout et n’importe quoi.
Les conditions pour obtenir un joli bokeh d’arrière plan(c’est le petit nom du flou) sont les suivantes :

  • Le rapport des distances [photographe/sujet] et [sujet/arrière plan] doit être important : il faut donc se rapprocher du sujet et éloigner le sujet du reste.
  • Utiliser l’ouverture maximale possible : le diaphragme grand ouvert permet à un point donné de prendre plusieurs chemins optiques différents pour arriver sur le capteur : ainsi, lorsque la mise au point est faite ailleurs que sur ce point particulier, les images du point par les différents chemins optiques ne sont pas confondues : c’est donc flou. (comment ca l’explication est floue aussi ? 🙂
  • Zoomer : à ouverture constante, zoomer va augmenter l’effet ci-dessus, et donc faciliter l’appararition du bokeh.
  • Avoir un capteur assez grand pour favoriser la dispersion des chemins optiques : le mieux reste donc la pellicule !
Bokeh obtenu avec un zoom important : la profondeur de champs est très faible
Bokeh obtenu avec une ouverture de diaphragme très grande. L’effet aurait aussi pu être obtenu avec une très grande flute et des bras adaptés !

Avoir le moyen de contrôler la profondeur de champs permet de faire des effets très sympa. Avec un compact, ce contrôle est très faible : tout aura tendance à être net sur une photo.

Vitesse de déclenchement

Qui n’a jamais pesté sur son appareil qui refuse de prendre la photo (qui aurait pourtant été la photo du siècle !) ou la prend une seconde trop tard…
Avec un réflexe, ces problèmes ne dépendent plus de l’appareil mais bien de vous !
OK, on ne bouge plus…………clic !
Combien de temps va-t-elle rester là ?

La vitesse de l’autofocus entre beaucoup en jeu pour améliorer la vitesse, mais pas seulement : le contrôle de celui-ci aussi : il est ainsi possible de faire la mise au point de manière préventive, et ensuite attendre le bon moment pour prendre la photo. Les compacts vérifient souvent la mise au point avant de déclencher, ce qui fait perdre un temps parfois trop long…

Objectifs interchangeables

Ce point n’est pas un avantage important si l’on ne considère que le range, c’est à dire la plage des focales : les compacts sont en effet très performant là dessus, avec leurs zoom 15x parfois (ce qui ne veut pas vraiment dire grand chose à vrai dire). Ils couvrent généralement, en équivalent argentique, la plage 28-300 ou 28-420 (le fameux 15x, rapport entre les deux extrêmes).
Le réel avantage se situe dans l’adaptabilité des différents objectifs aux situations que l’on peut rencontrer. Voici les cas qui ne sont pas compatibles avec les compacts :
  • Grand angle (vision plus large que l’oeil humain) pour les photos rapprochées, en intérieur, de paysage etc.
  • Objectif lumineux (ouverture du diaphragme importante) pour les photos en faible lumière, ou lorsqu’une durée d’ouverture doit être très faible (sports, pour éviter le flou)
  • Ultra Grand Angle ou Fisheye : pour des cas particuliers, ou pour le fun !
Comment faire tenir 30 personnes à table sur une photo : fisheye !

Situations difficiles ou particulières

« Tu ne peux pas prendre la photo là, t’es en contre jour ! »
Et bien si, avec un réflexe et un peu de pratique, tout est possible !
En violent contre jour : ca fonctionne quand même ! Un petit post traitement serait quand même pas mal pour peaufiner
Situation impossible, résultat artistique !

Avec la possibilité de contrôler manuellement tous les paramètres de l’objectifs, il est possible de dépasser une situation jugée impossible par l’électronique de l’appareil. En effet, celui-ci va tenter d’obtenir une bonne exposition de la photo (ni trop claire, ni trop sombre) dans toutes les situations. Dans la plupart des cas, le résultat est convaincant, mais parfois ce n’est pas ce que l’on aimerai avoir. Avec un compact, difficile de lui faire comprendre. Avec un réflexe, c’est possible avec une bonne compréhension et maîtrise des différents paramètres.

Les contrastes très importants auraient biaisés les capteurs électroniques, qui auraient tenté d’exposer la photo plus que nécessaire.
Bon ok, là c’est juste un coup de bol pour chopper le flash !
La maîtrise des paramètres permet des effets sympa aussi, comme les filés :

C’est une manière, comme le bokeh, de faire ressortir le sujet par rapport à son environnement ! Pour cela, il faut choisir une durée de pause assez longue (exemple : 1/4s ou 1/8s pour un sujet en mouvement rapide) et suivre régulièrement le sujet en déclenchant. Le sujet, qui sera resté « immobile » par rapport au cadre de la photo, sera net, tandis que le reste, qui aura défilé pendant le temps d’exposition, sera flou. Difficile à réaliser à bout de bras avec un compac

Utilisation d’un flash

L’utilisation du flash est grandement facilité par les réflexes, qui possèdent de nombreuses automatisations pour gérer correctement celui-ci. Le flash externe est la panacée, mais on peut aussi s’en sortir avec le flash intégré dans certains cas.
Dans ce cas là la porte se trouve à l’ombre du porche d’entrée du monastère. Les moines se trouvent en plein soleil un peu plus loin. COmme nous l’avons vu, la dynamique de la scène (différence entre les parties les plus sombres et les plus claires) est très, voir trop importante. Une solution dans ce cas, pour réduire cette dynamique, est d’éclairer la partie sombre, ce qui est possible car c’est la plus proche. Un coup de flash va permettre de la rendre plus claire, et ainsi de pouvoir faire cohabiter ces deux éléments sur la même photo. Ceci s’appelle, de manière très poétique, « déboucher les ombres ». Plop !
Dans cette scène très sombre, un petit coup de flash, réglé presque au minimum de sa puissance, permet de n’éclairer que le visage de l’homme, le détachant ainsi de l’arrière plan. Un flash déporté, sur la droite de la photo par exemple, aurait rendu encore beaucoup mieux, donnant un peu plus de relief au visage de l’homme, tout en améliorant le contraste avec le reste. On fait avec ce que l’on a, et c’est déjà pas mal !

Format de fichier

Comment concilier qualité d’image et utilisation facile sur un pc modeste et avec des connexions internet poussives ?

La plupart des réflexes, tout comme certains compacts, proposent d’enregistrer les photos au format RAW : ce format enregistre toutes les données, non traitées, non compressées : c’est en quelque sorte le négatif de l’image. Cela donne une image très lourde, et difficile à « lire ». Cela ne résoud donc en rien le problème dans ce cas me direz-vous ?!
Et bien en partie si, car l’appareil propose aussi d’enregistrer en RAW+Jpeg : il suffit donc de choisir des Jpegs de petite taille (3 megapixel au lieu de 16) et très compressés pour avoir des fichiers légers à traiter pendant le voyage (blog, etc.), tout en gardant soigneusement les RAW de côté pour le retour, où toutes les photos pourront alors être développées et post-traités pour n’importe quelle utilisation si nécessaire.

RAW + JPEG = That’s it !

Utilisation de filtres

Sur les objectifs de réflexe, il est possible de visser des filtres. Voici les différents filtres existants et leurs fonctions.
  • Filtre UV : ne sert plus à rien sur les appareils numériques, à part à protéger la lentille frontale des chocs et rayures : tous mes objectifs en sont pourvus.
  • Filtre polarisant : supprime les reflets (lac, fenêtres, etc.), diminue la « brume atmosphérique » (sorte de voile blanc lorsqu’on regarde au loin), et rend le ciel beaucoup plus bleu (en faisant ressortir les nuages blancs).

  • Filtres gris neutre : réduit la luminosité générale, pour faire des pauses encore plus longues (amateurs de filés de cascade par exemple)
  • Filtres colorés : rendus un peu désuets du fait des post-traitements numériques, qui permettent de reproduire l’effet
  • Filtres dégradé : plus sombre en haut, transparent en bas, pour réduire la luminosité du ciel par exemple : diminue la dynamique de la scène (différence entre l’endroit le plus sombre et le plus lumineux) pour faciliter la prise de vue

Et bien d’autres (filtre étoile ou autre effet artistique).

Conclusion

La liste n’est pas exhaustive, mais n’étant pas sur un blog photo ou assimilé, je pense que la longueur de l’article est déjà amplement suffisante pour beaucoup d’entre vous… C’est trop ? Rien ne vous oblige à lire jusqu’au bout ! 😉
Enfin voilà, pour répondre à la première question, est-ce que ca en vaut la peine, la réponse est OUI ! pour moi, qui m’amuse beaucoup avec l’appareil, mais cela dépend des envies de chacun !
Et pour ceux qui n’en ont pas eu assez, encore d’autres photos !
Le nombre d’éléments composant le diaphragme influe sur l’effet « étoile » des points lumineux. Ici, on a un diaphragme à six lamelles !
Ici, 8 lamelles, mais sans doute de forme différente
« Filé » sur la pluie : fait passer l’envie d’aller faire un tour dehors !
Profondeur de champs faible, les éléments « non désirés » de la photo sont un peu moins gênants
Le choix de la zone de mise au point évite à l’appareil de ne regarder que les jolis buissons
Et pour finir, l’énigme qui dure depuis l’Italie : comment a été réalisée cette photo ? (indice : ce n’est pas un débarquement de martiens)

7 réflexions sur « Photographie en voyage : est-il raisonnable de transporter un reflex numérique ? »

  1. Anonymous

    Article génial !

    Je n’y connais rien et j’ai adoré. La technique est accessible et les photos superbes.

    Belef’s comme disent certains

    Loulou

  2. Michel

    Très bon article, bien argumenté. Je dirais encore que se trimballer un réflex n’est vraiment intéressant que si on a le talent nécessaire pour tirer parti de ses avantages (ce qui est indéniablement ton cas) et que l’on compte passer beaucoup de temps à faire de la photo. Sans cela, il me semble qu’un compact haut de gamme reste préférable.

    Merci en tout cas pour les excellentes photos et les nombreux articles intéressants et utiles (la carte des ambassades à Téhéran m’a été d’une grande aide lorsque j’y ai fait mes visas cet été, merci mille fois !).

  3. hakuns

    Sals,
    Merci pour l’article je retrouve pas mal des interrogations que je me suis posé avec les astuces plutôt faites main. C est vrai que l encombrement est un sujet important d un point de vue confort mais pas seulement. J ai passe bcp de temps a faire des paysages et animaux mais j ai un peu un blocage pour les portraits car le reflex a un caractère un peu agressif quand tu le pointes sur qqn surtout a l étranger. Je suis peut être encore trop timide pour arriver a faire poser naturellement.

    En tout cas les photos sont pour la plupart magnifiques.

  4. Cycloreveurs

    C’est sûr que la taille est imposante, mais je pense que le problème pour faire un portrait se pose aussi avec d’ autres appareils, à part peut être à réussir à prendre la photo de manière vraiment dissimulée. Pour le portrait non volé comme on dit, il faut se forcer à aller voir tout d’abord la personne, discuter un peu si possible, puis ensuite demander si on peut prendre une photo. Le résultat naturel s’obtient quand à lui en restant encore après que la personne ait posé, enfin d’après ce que j’ai pu observer !

  5. Renaud Gachet

    Bravo pour cet article très clair mais comme le dit Michel , le matériel, la technique..c’est bien mais ça ne fait pas tout! il faut aussi un « oeil » et là, le tien est plutôt bien!!!
    je pense en effet que tu peux sérieusement penser à une expo au retour.

  6. Mathieu

    Salut,
    Super bon article pour se faire une idée de la photographie en voyage … Je me prépare à partir aussi, qu’as tu comme matériel ? Que conseillerais tu pour débuter en milieu tropical ?

  7. les Cyclorêveurs

    Salut Mathieu,

    Difficile de te conseille comme cela dans savoir ta pratique, ton budget ou encore la période et la région dans laquelle tu comptes te rendre… par exemple pour nous en ce moment, en saison sèche, pas trop de problème d’humidité, mais pas mal de poussière, ce qui ne nécessite pas les mêmes précautions.

    Pour ce qui est du matos, peu d’appareils peuvent vraiment être fiables si tu vas au fin fond de la jungle en mai, à part les boîtiers et objectifs vraiment professionnels (mais si tu pouvais investir dans ce segment tu ne m’aurai certainement pas posé la question).

    Je te recommande donc de partir avec ce que tu as ou ce qui te plais, et de faire attention une fois sur place lors de l’utilisation ou du stockage de ton matos : c’est le plus simple !

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