Un titre très accusateur non ? C’est pourtant malheureusement bien ce que l’on ressent dans le pays. Pour tenter de vous expliquer cela, une petite anecdote pour commencer !
Il était une fois…
Nous quittons Luang Prabang assez tard dans la journée, pour camper juste en dehors de la ville. Nous croisons sur la route une connaissance, qui nous explique que non loin de là, il y a un endroit très sympa avec des cascades et un petit restaurant. Parfait pour nous !
Nous nous dirigeons vers cet endroit, à 2km de la route principale. Au bout d’un moment, nous voyons une jolie barrière garnie de fleurs, et des bas côtés bien entretenus : cela cloche un peu par rapport à ce que nous voyons généralement dans le pays, mais c’est assez joli et agréable. Le restaurant est assez bien agencé : plusieurs tables sont réparties près de petites cascades mises en valeur, et puis un plan indique les sentiers de randonnée aménagés autour du restaurant : une belle organisation !
A peine arrêté, un homme occidental se dirige vers nous, et nous demande si on cherche un endroit où dormir. Il dit qu’il n’est pas proprio (ce dont nous serons amenés à douter !), mais juste en visite. On lui répond que oui, effectivement, on cherche à planter notre tente, et il se propose de demander pour nous. Pourquoi pas… Il revient en disant qu’il faut payer 50 000 kip pour mettre la tente ! Pour info, cela ne représente pas grand chose si on convertit en euros, mais ici c’est l’équivalent d’une nuit en Guesthouse tout de même ! Il y a beaucoup d’endroits où l’on peut mettre la tente facilement dans le coin, donc on lui dit qu’on ira un peu plus loin.
Le temps de jeter un œil autour du restaurant, l’homme s’en va avec sa grosse moto. Nous demandons ensuite directement aux locaux du restaurant, qui nous accueillent sans aucun problème ! On se disait aussi, ce n’est pas trop la mentalité par ici.
Le lendemain matin, l’homme à la moto arrive de bon matin. S’il n’est pas proprio, c’est un touriste assidu, qui se permet en plus de donner quelques ordres aux jardiniers !
La morale de l’histoire ? J’imagine assez bien le discours du patron aux employés du restaurant : « Vous vous rendez-compte du manque à gagner ? C’est de l’argent facile ! Vous dîtes que c’est une propriété privée, et du coup vous leur demandez 50 000 kip : ce n’est rien pour eux ! Rien n’est gratuit. » A quand le panneau « Interdit de camper » ? La mentalité plutôt « cool » des laos est corrompue petit à petit, au revoir l’accueil simple et chaleureux que l’on peut recevoir encore à l’heure actuelle un peu partout, place au business !
Si cette petite histoire ne nous permet pas de généraliser sur quoi que ce soit, cela nous a tout de même mis en lumière ce que nous avons remarqué dans le pays.
Luang Prabang, la ville à ne pas manquer
Prenons l’exemple de Luang Prabang : ville historique, abritant la résidence du Roi pendant longtemps, elle est depuis devenue LE hub touristique du Laos. Ainsi, au centre ville, on se demande s’il n’y a pas plus d’occidentaux que de locaux. Pourtant, contrairement à ce que cela pourrait laisser penser, ce n’est pas vraiment choquant. La ville est extrêmement organisée pour accueillir ce flot de touristes, et on se sent vraiment à l’aise dans cette ville : les belles maisons coloniales sont converties en Guesthouses ou en magasins sympas, des agences de voyage proposent sans ostentation leurs services, des VTT de qualité sont à louer un peu partout, des boulangeries fleurissent à chaque coin de rues, etc… Nous sommes « comme à la maison« . Tout est là, tout ce qu’un occidental recherche consciemment ou non.
On sent que les « besoins » des occidentaux ont été compris, et extrêmement bien mis en place. Sauf que ce ne sont pas les Laos qui ont compris cela… On a l’impression que les gérants de tous ces endroits ne sont jamais locaux ! Cela nous fait retomber sur la petite anecdote du début…
Comparons à la Chine
On peut faire le rapprochement, ou plutôt le distinguo avec les villes touristiques chinoises. Là-bas, le tourisme est bien géré aussi, mais il a été conçu pour les Chinois, le tourisme intérieur étant largement majoritaire. En tant qu’occidentaux, nous ne nous sentions du coup pas vraiment à l’aise dans les lieux dimensionnés pour des groupes de groupes de cinquante personnes… Mieux vaut aller à Luang Prabang !
Au Laos, l’influence occidentale est donc vraiment marquée. Un reste du protectorat français, qui a intégré le pays à l’Indochine française ? Peut-être. Au Laos, il se dit pourtant que les ambitions françaises ont échoué (le pays n’a pas « réagi » assez bien à l’occidentalisation…), mais cela a sûrement ouvert les portes pour la deuxième vague d’occidentalisation, moins directe mais tout aussi efficace : c’est celle que nous observons à l’heure actuelle.
La nouvelle colonisation
Qui sont les colons ? Et bien… nous ! Les touristes, bien sûr, en fournissant l’argent nécessaire au « développement » de l’activité, mais aussi ceux qui viennent investir dans cet eldorado, en « aidant » les locaux à accueillir les touristes comme il faut. Dans l’absolu, ce n’est pas critiquable : sans ces personnes, le tourisme au Laos ne pourrait pas se développer facilement : la pauvreté même de la population les « empêcherait » d’accueillir la plupart des occidentaux, à l’exception des plus roots qui accepteraient de dormir à même le sol, de marcher de villages en villages, et de ne manger que du riz collant… L’apport de fonds, de méthodes et d’un suivi sur le long terme par les investisseurs rend possible un tourisme à plus large échelle, faisant rentrer de fait plus d’argent, dont une partie revient aux locaux, réduisant leur « pauvreté ». Ils peuvent alors se faire construire de plus grandes maisons, acheter un scooter pour se déplacer plus facilement et plus rapidement, etc… Se développer en gros ! Toujours plus ! A terme, on peut imaginer que les laos eux-mêmes pourront aller visiter leur pays ! Cool !
L »occidentalisation » du pays semble donc en bonne voie, sans doute mieux que lors de la période de colonialisme « classique » français. Cette fois-ci, l’assaillant est en short à fleur et tongs (principalement !) : ça fait moins sérieux, pourtant bon courage à eux s’ils souhaitent demander à nouveau leur indépendance…
Cette analyse rapide peut évidemment se faire dans n’importe quel pays « touché » par le tourisme, mais au Laos c’est particulièrement frappant, car l’écart entre le niveau de vie de la population locale et celui des visiteurs est vraiment important.