Rencontre avec les grands Bouddhas dans les grottes de Yungang

Voilà un de nos premiers épisodes touristiques chinois. Quand nous sommes arrivés à Datong, on nous a dit :

Allez voir les Yungang caves, c’est trop génial !

Chouette alors, après nos petits bouts de forteresse visités ça et là le long de ce qui était la Grande Muraille, nous allons voir un vrai site historique restauré, patrimoine mondial de l’UNESCO !

Tout contents, nous nous mettons donc en route vers ces grottes qui sont à plusieurs kilomètres de la ville. Nous sommes d’abord un peu surpris par l’aspect tout propre des bords de routes et des abords de Datong de ce côté là alors que pour entrer dans la ville, nous avons traversé une espèce de zone industrielle mal entretenue et sale. Mais ce n’est rien à côté de l’immense porte d’entrée au site qui donne le ton : du genre « bienvenue à Deysni Land ! » sur laquelle nous tombons au terminus du bus.

Bon, comme nous sommes encore des débutants, nous n’avons pas pris nos cartes d’étudiant, et nous payons nos 300 yuans par personnes, soit le double de ce que nous avons dépensé jusqu’à présent dans le pays…

Tickets en main, nous commençons notre tour.

Entrée du site de Yungang

Nouveau temple

 

Nous traversons d’abord un beau et grand jardin avec diverses essences d’arbres, des allées et des pièces d’eau. Ces grandes allées n’ont pas grand chose à voir avec les grottes en elles-mêmes et mènent vers un monastère récent qui n’a pas non plus de rapport direct avec l’aspect historique du lieu, mais nous y trouvons tous les symboles et tout ce qui fait partie du rituel bouddhiste chinois. Ce qui nous chagrine, c’est que tout est construit en béton et pierre reconstituée.

Et nouveau Bouddha

Belle de loin, loin d’être belle, la pagode en béton est toujours en service dans le « nouveau temple »

Sacrée peau de vache !

Enfin, nous arrivons ensuite à ce qui nous intéresse vraiment : les grottes !

Elles ont été construites il y a environ 1500 ans, à l’époque où Datong était la capitale de la dynastie Wei. C’est aussi l’époque où le bouddhisme se développe en Chine et les plus de 50 000 statues de différentes tailles (de quelques centimètres à 18 mètres de haut), dispatchées dans plus de 400 grottes différentes creusées dans la falaise, attestent de la ferveur des moines et des citoyens de l’époque !

Ce n’est pas rien donc, et nous sommes stupéfaits de la magnificence des lieux. Les grottes sont toutes différentes. Certaines sont perchées à plusieurs mètres de haut, d’autres comportent plusieurs chambres et d’autres encore consistent simplement en de petites alcôves. Toutes ont été creusées en l’honneur du Bouddha et abritent des statues et parfois des peintures bouddhiques.

On te voit dans ta petite grotte !

 

Dans la grotte des 1 000 Bouddhas, les parois sont couvertes de statuettes de quelques centimètres de haut. Du travail de précision !

Les grottes sont parfois creusées avec un poteau/pagode au centre

Le Bouddha, à l’intérieur de la grotte, fait plus de 15 mètres de haut. A l’époque, il devait être tout doré et les peintures et sculptures sur les parois devaient être très colorées.

Nous ne savons pas quelle est la composition de la roche dans laquelle ont été creusées toutes ces oeuvres, mais elle est suffisamment friable pour que les moines aient pu en excaver des mètres cubes et suffisamment solide pour que des salles de plus de 20 mètres de haut ne s’effondrent pas (sauf une des plus importante qui laisse aujourd’hui son très grand bouddha et ses bottisatwa visibles de l’extérieur).

La grotte s’est écroulée, les statues sont donc au grand jour

Bouddha et nous

Il est intéressant de noter que dès la construction des grottes, des mesures de protection ont été prises. Les principales salles sont prolongées par des genres de auvents construits sur le modèle des pagodes avec une structure en bois et une couverture en tuiles vernissées. Par ailleurs, la dynastie suivante, pour éviter que l’eau ne face trop de dégâts, a décidé de détourner le cours d’eau qui passait au pied des grottes et qui avait formé cette falaise. La rivière passe aujourd’hui à une douzaine de kilomètre des lieux.

Les 450 grottes n’ont pas été construites en une seule fois. La construction a durée plusieurs dizaines d’années et ensuite, le site a évolué selon l’histoire tumultueuse de l’Empire du Milieu, perdant et regagnant de son aura selon les dynasties et leur attachement à la religion.

Aujourd’hui, la vie du site est largement dédiée au tourisme, et au cours de notre visite, nous sommes pris par un sentiment étrange, entre émerveillement et frustration. Pourtant, les grottes sont intactes, aucune « restauration sauvage » ne vient gâcher l’authenticité des statues, comme cela est le cas à Datong par exemple.

Que se passe-t-il donc ? Seulement les abords, avec cette grande plateforme d’une bonne douzaine de mètres de large pour accueillir les millions de touristes prévus le long des grottes, la signalétique digne des parcs d’attractions et les constructions nouvelles, parfois dédiées au culte, parfois au commerce (avec même une rue de la soif) implantées ça et là entre les arbres fraîchement plantés et encore haubanés. Tout cela est artificiel et surtout hors d’échelle par rapport au site ancien.

Le site ancien accueille aussi le rituel actuel

Mais le pire est à venir. Quand nous nous éloignons des grottes en direction de la sortie, nous entendons de la musique assez fort. Pour continuer dans notre délire, on se dit :

Vite ! Vite ! On va rater la Grande Parade !

Et nous ne sommes pas déçus lorsque nous atteignons l’allée principale. Alors bon, Picsou et Cendrillon ne sont pas là, mais c’est presque aussi fou : voilà des gens déguisés (so cheap diraient certains) qui déambulent en faux rois, faux musiciens et … faux moines sur de la musique aux accents néo-ancestraux. C’est le comble !

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Finalement, on se sent presque mieux lorsque nous visitons le musée, dans le parc mais un peu en retrait des grottes, qui est définitivement moderne, sans équivoque et qui nous présente un peu l’histoire de la région du temps de son plein rayonnement. L’architecture et le design, intérieur et extérieur, tranchent avec l’environnement sans le dénaturer et nous prouvent donc qu’il n’est pas incompatible de mélanger l’ancien et le moderne.

Le musée annexe aux grottes de Yungang

Ca c’est moderne !

Musée de Yungang
Une architecture et un design intéressant !

Musée de Yungang
Une autre partie du vaisseau-musée

La question serait plutôt de savoir comment restaurer, conserver et valoriser le patrimoine architectural et culturel et surtout dans quel but ? Que vient-on chercher dans ces vieilles pierres ? Nous voulons être émerveillés ? Nous voulons comprendre, apprendre ce qui a construit les civilisations actuelles ? Nous cherchons à ressentir le passé ou à être fier de ce qui constitue notre héritage ? Visiblement, nous, cyclorêveurs franchouilles, nous ne cherchons pas tout à fait la même chose que les touristes locaux que nous avons croisés.

Bref, de quoi débattre, de quoi se battre, je suis prête !